PAS EXTRA, TES RESTES...

MENACE DE PAIX, ERIC DORNES
ARABESQUE ESPIONNAGE # 256, 1963

Des espions affrontant un être venu d’ailleurs
, omniprésent, omnipotent, omnipuissant, comme sujet de roman, t’avouera, c'est plutôt alléchant. 

Malheureusement, écrit par ce fichu fumiste d'Eric Dornes, c'est une tout autre paire de gants.
Rien de surprenant... j'en gardai un certain souvenir, d'Eric Dornes, et il n'avait pas le goût du revenez-y. En effet, l'affreux jojo m'avait déjà appâté avec une belle arnaque, une histoire de communistes chinetoques, retranchés dans la jungle, armés d'un rayon laser de la mort et cherchant à ébouzer massivement du militaire ricain. Le chef des bridés, cet abominable chacal, allait même jusqu'à déclarer : "J'ai hâte [...] de voir nos amis capitalistes se volatiliser sous nos rayons meurtriers et imparables."
Tu parles, Charles ! Ils avaient dû se perdre en route, se tromper de chemin, prendre la première à droite au lieu de tourner à gauche, bref, atterrir dans un autre bouquin, tes rayons imparables et meurtriers, car dans celui-ci, tu pouvais les cocher à la section des étouffés.
Du coup, ce Menace de Paix, je m'y étais mentalement préparé.
Avant même la première page, je savais que ça allait verser dans la tartignolerie certifiée espionnage au rabais... et j'avais raison !
D'emblée, le ton est donné. Narration première personne au gardénal. Notre héros se nomme Barnus, Ed Barnus, ex-agent secret devenu reporter-cinéaste. Il n'est ni très swing, ni très twist, mais par contre, il croit dur comme fer "à l'existence d'êtres vivants sur d'autres planètes semblables à la terre..."
"Je vais même plus loin... je crois que ces êtres sont dotés d'une intelligence supérieure à la nôtre. Je pense aussi qu'ils sont venus sur notre planète il y a déjà plusieurs centaines, voire plusieurs millier d'années et qu'ils nous surveillent en ce moment."
Et l'auteur, dans le plus pur style Jimmy Guieuesque, d’accompagner la tirade de son héros  d'une note de bas de page nous certifiant la parfaite authenticité de son bouzin :
"Cette hypothèse est actuellement défendue par de nombreux astrophysiciens russes, américains, anglais et français."
Me voila rassuré ! Juste à temps, car l'extraterrestre, le fameux extraterrestre, entre en scène. Il s'appelle John Allen Krumar Zakrus, habite Phobos, se déplace à des vitesses sub-lumineuses, possède des pouvoirs psychomagnétiques, déclenche à distance des explosions atomiques et commet des meurtres idiots qu'il signe en laissant invariablement traîner sur les lieux de ses forfaits le 45 tours d'une bluette titrée "bécause (avec un "é") bad is my star."
À ce stade du roman, on ne questionne plus les choix de l'auteur, on se contente de les subir. D'ailleurs, au lieu de résumer la chose, mieux vaut en dresser un bilan rapide, c'est à la fois plus simple (pour moi) et moins douloureux (pour toi).


Donc, dans ce bouquin, le méchant extraterrestre n'a pas de base secrète, pas de gadgets hi-tech, pas de sous-fifres, pas de sicaires patibulaires exécutant ses ordres, pas de véhicule volant, pas de véhicule tout court, juste un stock de 45 tours miteux, c'est nul.
Dans ce bouquin, il n'y a qu'une seule bagarre, au chapitre 15, elle dure 2 pages, c'est naze.
Dans ce bouquin, on s'emmerde ferme car il ne se passe strictement rien, le méchant blablate à longueur de pages et les espions l'écoutent respectueusement en laissant fuser, de temps à autre, un "oh, c'est vraiment incroyable !"
Dans ce bouquin, en fait, il n'y a pas vraiment de méchant extraterrestre parce qu'en fait, à la fin, le héros découvre qu'il ne s'agissait là que d'une bande de 11 diaboliques chinois, tous semblables les uns aux autres, et qui se déguisaient à tour de rôle en John Allen Machin Krut l'extraterrestre afin d’embêter les espions et puis, tant qu'on y est, de faire triompher le maoïsme dans le monde.
Dans ce bouquin, l'auteur est néanmoins tellement persuadé de l'existence des extraterrestres (pourquoi pas, hein ?) qu'il termine son bidule par une postface t'expliquant que si, cette fois, pour le coup, c'était râpé, le reste du temps, par contre, les petits bonhommes verts, ce ne sont pas des niakoués déguisés mais de vrais gugusses garantis cent pour cent d'importation galactique – ( tiens, vises leurs fafs, c'est pas des balourds, y'a même l'tampon d'la douane spatiale dessus !)
De ce bouquin, finalement, je n'ai retenu qu'une chose valable, c'est qu'il aurait mieux valu ne pas l'ouvrir et choisir, à la place, un Mme Atomos d'André Caroff.
Mais ça, c'est une tout autre histoire...

2 commentaires:

Zaïtchick a dit…

Se farcir ce navet pour une fin à la Scoubidou ! Au moins, t'auras eu matière à une bonne petite chronique.

ROBO32.EXE a dit…

Oui, c'est déjà ça... mais bon, en la publiant, je me disais... "tiens, ce serait pas mal si je causais d'un bon bouquin prochainement... ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé !" ;-)